Contrairement aux propriétaires d’entreprises cotées (Bernard Arnault est au capital de LVMH et de Carrefour, deux valeurs qui ont respectivement chuté en Bourse de 23 % et 40 % depuis le début de l’année), les Mulliez - réputés pour leur gestion de père de famille - se sont toujours tenus à l’écart des marchés financiers. Par conséquent, la valeur de leur patrimoine n’a pas été affectée par la récente crise financière et la défiance des investisseurs. Au contraire, leurs actifs continuent de s’apprécier au rythme sonnant et trébuchant des performances économiques de leurs entreprises (au global 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires et près de 2 milliards de résultat net réalisés avec le concours de plus de 300 000 salariés) et non pas de la confiance - aléatoire - des analystes ou du moral des boursicoteurs.
En interne, les experts de l’Association Familiale Mulliez ont revalorisé cette année leur capital de 11 %, un chiffre inférieur à la progression dont les crédite pourtant Challenges. L’écart s’explique notamment par le fait que, dans le passé, l’hebdomadaire économique avait sensiblement sous évalué le patrimoine du clan nordiste. D’où cette forme de rattrapage. Pour certains salariés actionnaires (chez Leroy-Merlin, ils détiennent jusqu’à 18 % du capital de l’enseigne), ces évaluations restent cependant inférieures à la valeur réelle des entreprises. En particulier, les actifs immobiliers du clan (10 millions de m² de surfaces de vente répartis dans une quinzaine de pays) seraient, dit-on, sous-évalués.
De manière plus anecdotique, le chassé-croisé à la tête du classement entre ces deux entrepreneurs emblématiques que sont Gérard Mulliez et Bernard Arnault illustre la revanche du commerce de la France d’en bas sur celui de la France d’en haut. En ces temps de pouvoir d’achat en berne, l’information a, là aussi, valeur de symbole. Les actifs familiaux de l’un, placés depuis 40 ans dans la grande distribution, se sont davantage appréciés que les titres boursiers de l’autre investis, eux, historiquement dans les marque de luxe. En faisant fi des trois milliards d’euros qui séparent les deux familles, on ne peut s’empêcher de mettre en parallèle ces deux formidables réussites patrimoniales. Qui pourtant reposent sur des modèles économiques opposés : l’un a choisi de vendre très cher à une petite élite des produits de grand luxe tandis que l’autre faisait le choix de discounter à grande échelle et pour le plus grand nombre les produits du quotidien. Dernier détail : Bernard Arnault est né à Croix, à quelques centaines de mètres de l’endroit où se trouve aujourd’hui le siège d’Auchan et où réside son successeur à la tête du classement des fortunes françaises…