Un an après le remplacement du fondateur Gérard Mulliez par son petit cousin Vianney Mulliez à la présidence du conseil de surveillance du groupe Auchan, une autre page est en train de se tourner pour le distributeur nordiste et ses 175 000 salariés.
Dans le prolongement d’un vaste plan de réorganisation de ses structures dirigeantes (création de comités d’orientation stratégique par pays et de postes de responsable de synergies par métiers), le groupe renforce son directoire qui passe de trois à cinq membres. Cet élargissement s’explique notamment par la perspective de la succession de son président actuel, Christophe Dubrulle. Fidèle compagnon de route de Gérard Mulliez, Christophe Dubrulle, 63 ans, occupe ce poste depuis 1996.
Selon toute vraisemblance, c’est Benoît Lheureux (photo ci-dessus), 51 ans, que Vianney Mulliez choisira le moment venu pour le remplacer. En effet, celui qui était jusque-là président de la filiale italienne d’Auchan est le grand bénéficiaire de la vague de nominations qui vient d’avoir lieu. Non seulement il est l’un des deux nouveaux entrants au directoire mais il se voit simultanément confier la responsabilité du développement et des ressources humaines du groupe et, tout aussi stratégique, la présidence d’Immochan International. Avec un tel périmètre et de telles responsabilités, autant dire que l’homme est dans les starting-blocks pour, demain, prendre les rênes de l’exécutif d’Auchan. On observe au passage que Benoît Lheureux reprend pratiquement à l’identique les fonctions qui étaient celles de Vianney Mulliez avant sa nomination à la tête du conseil de surveillance. Tout laisse à penser que Dubrulle et Lheureux vont travailler ensemble quelques mois, un an peut-être, avant que le premier ne cède son fauteuil au second.
Le départ programmé de Christophe Dubrulle (photo ci-contre) ne constitue pas une surprise. Agé de 63 ans, il formait avec Gérard Mulliez, qui l’avait embauché comme manutentionnaire dès 1964, un véritable tandem. La retraite de son mentor et la nomination de Vianney Mulliez, en juin 2006, laissaient présager son remplacement. Un an après son arrivée, le représentant de l’association familiale Mulliez, actionnaire majoritaire, a donc manifestement estimé que le moment était venu d’injecter du sang neuf à la tête du groupe. C’est tout le sens de cet élargissement du directoire et de la mise sur orbite de Benoît Lheureux.
Alors que jusqu’à présent, en interne, c’est le nom de Patrick Coignard, directeur général de la filiale espagnole, qui était le plus souvent cité pour succéder à Dubrulle, c’est donc finalement un autre patron de pays qui a été retenu. Benoît Lheureux a pour lui un parcours comme on les aime chez Auchan. Embauché en 1981, il a successivement été chef de rayon, chef de secteur, directeur de magasin puis directeur régional (en Ile de France, en 1992 et 1993) avant d’être nommé en Italie. Au sein de la filiale transalpine, il participe en 1997 aux négociations avec Ifil, la holding des Agnelli, puis avec Simon Property. Des expériences qui renforceront ses compétences dans la finance et l’immobilier. C’est d’ailleurs semble-t-il en raison de ce profil plus complet qu’il a été préféré à Patrick Coignard. Originaire du Nord, Benoît Lheureux est par ailleurs très apprécié de Thierry Mulliez, le patron de l’AFM, et est l’un des proches de Jean-Marie Deberdt, l’ex-DRH groupe aujourd’hui en charge du secrétariat général de l’association familiale Mulliez.
Alors qu’au conseil de surveillance, l’an passé, le remplacement d’un épicier (Gérard) par un financier (Vianney) avait marqué les esprits, cette fois, au sein du directoire, il convient de noter le parallélisme des profils, très « terrain » de Christophe Dubrulle et de son probable successeur. En choisissant Benoît Lheureux, Vianney Mulliez et les membres du conseil central de l’association familiale, émettent un signal fort qui confirme la primauté donnée, dans la gestion opérationnelle de l’entreprise, aux « hommes des magasins ».
Autre nouveau venu au directoire : Xavier de Mézerac, le directeur financier du groupe. Pour le reste, pas de changement. Les deux anciens membres qui accompagnent Christophe Dubrulle sont reconduits : Jérôme Guillemard, président de la Banque Accord, et Benoist Cirotteau, président de la branche supermarchés. En interne, on se prépare cependant au départ en retraite de ce dernier et à son remplacement par Philippe Saudo. C’est d’ailleurs sous cet angle qu’il faut interpréter la nomination de celui-ci au poste de directeur général des supermarchés. Compte tenu des difficultés d’Atac, Philippe Saudo est face à un véritable défi. Sa tache n’est pas facile et il aura certainement des décisions difficiles à prendre. Il devrait pouvoir compter sur le soutien des Mulliez qui en le nommant à ce poste, lui témoignent une belle marque de confiance.